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« À part au cimetière, je n’ai plus personne » : les Petits Frères des pauvres alertent sur la « mort sociale » des personnes âgées
Publié le 30 septembre 2025
Eugénie Barbezat
Extraits
La proportion des plus de 60 ans sans aucun contact avec leurs familles, amis, voisins ou des associations a doublé en l’espace de huit ans, indique le baromètre des Petits Frères des pauvres, paru ce mardi 30 septembre.
L’étude révèle une fracture sociale silencieuse : des centaines de milliers de « vieux invisibles » vivent dans un isolement absolu. Ainsi, 2 millions sont isolés de leur entourage proche (famille et amis), un niveau en hausse de 120 % en huit ans. 2,5 millions se sentent seuls tous les jours ou presque et 5,7 millions n’ont personne à qui confier des choses personnelles.
« Les chiffres alarmants du précédent baromètre, en 2021, n’étaient pas un accident lié au Covid. L’isolement des personnes âgées est un phénomène qui s’amplifie et s’ancre dans la société », regrette Anne Géneau, présidente des Petits Frères des pauvres.
Pour les auteurs du rapport, le phénomène s’explique par une combinaison de facteurs : vieillissement massif des générations du baby-boom, disparition des conjoints et amis, pertes de mobilité et aggravation de la pauvreté. Si les personnes n’ont pas ou plus d’enfants ou que les liens familiaux sont distendus, l’isolement s’installe.
Et il est douloureux, comme en témoigne Francine, 68 ans : « Ça fait un an et demi que je n’ai pas de nouvelles de mes enfants. S’il m’arrive quelque chose, qui va les prévenir ? À part au cimetière, je n’ai plus personne. » « On n’a personne pour discuter. Tu peux avoir un malaise, qui va venir te voir ? » soupire Yves, 76 ans.
Une angoisse légitime au regard de l’augmentation des « morts solitaires » de personnes âgées dont les corps sont retrouvés à leur domicile plusieurs semaines, mois, voire années après leur décès recensées par les Petits Frères des pauvres : 33 cas en 2024, contre 21 et 2023 et 13 en 2022.
Le délitement des relations de voisinage pointé par ces terribles statistiques ne touche pas que les campagnes, mais aussi les zones urbaines, les immeubles. « Avant, il y avait plus de possibilités d’échanges, de bavardages.
Mais pire encore que l’incapacité physique, le manque de considération pour les personnes âgées s’impose avec d’autant plus de dureté lorsqu’il concerne une population déjà isolée. « La sensation de ne plus pouvoir être considéré, écouté, respecté constitue une angoisse bien plus difficile à vivre pour ces personnes âgées isolées que leur incapacité à ne plus faire en raison de leur handicap ou de leur mobilité réduite », souligne Quentin Llewellyn.
Les Petits Frères des pauvres appellent à un sursaut pour que la « mort sociale » ne devienne pas un horizon ordinaire du vieillissement en France. « L’isolement des personnes âgées n’est pas une fatalité, mais un enjeu de société que les pouvoirs publics doivent enfin prendre à bras-le-corps. Il est urgent de sortir de l’indifférence. Malgré la loi ”bien vieillir” et la stratégie nationale du même nom, les mesures restent insuffisantes et mal coordonnées.
En quatre ans, sept ministres se sont succédé sur le sujet du grand âge, sans qu’une politique cohérente et ambitieuse ne voie le jour », tempête Yann Lasnier, délégué général des Petits Frères des pauvres.
Alors que la France comptera un quart de sa population âgée de plus de 65 ans d’ici à 2040, les premiers concernés plébiscitent le maintien des commerces et services de proximité, des solutions de transport adaptées et de meilleures informations sur les aides. Et si les écouter devenait une priorité nationale ?
https://www.humanite.fr/societe/seuil-de-pauvrete/a-part-au-cimetiere-je-nai-plus-personne-les-petits-freres-des-pauvres-alertent-sur-la-mort-sociale-des-personnes-agees
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