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Date : 23-10-2025 18:55:34
En Corse, l’extrême droite s’empare d’une croix pour vomir son racisme et imposer sa vision de la laïcité
En Corse, le village de Quasquara est le théâtre de débats entre laïcité et identité à la suite d’une décision de justice le 10 octobre concernant une croix chrétienne installée en 2022 à l’entrée du village. Entre fake news et récupération politique, l’extrême droite s’est immédiatement saisie du sujet.
Publié le 22 octobre 2025
Milla Daubert
Quasquara, un village de 60 habitants du sud de la Corse, est l’épicentre d’un débat houleux sur la nature de l’identité de l’île. En cause, la requête d’une habitante du village. En 2023, cette dernière formule auprès de la justice une demande pour qu’une croix chrétienne en bois située en bordure de route, et édifiée par l’ancien maire du village, soit retirée.
Le 10 octobre 2025, le tribunal administratif de Bastia lui donne raison et ordonne l’enlèvement de la croix en vertu du premier alinéa de la Constitution ( « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. ») et de la loi sur la laïcité du 9 décembre 1905. Celle-ci autorise la présence de croix sur des terrains publics uniquement si ces symboles religieux s’y trouvaient avant cette date. Ce qui n’était pas le cas à Quasquara.
Une croix chrétienne au cœur d’un débat sur la laïcité et l’identité
Le maire du village doit donc déplacer le symbole religieux ou privatiser le terrain. Sans quoi, il s’expose à de nouvelles poursuites judiciaires. Or, dès la décision prononcée, le verdict du tribunal administratif de Bastia dépasse les frontières de l’île de Beauté et suscite l’indignation de la droite et de l’extrême droite. La requérante à l’origine de la démarche judiciaire reçoit de nombreuses menaces.
Désormais, à proximité de la croix chrétienne, des banderoles : « rentre chez toi, la croix, elle, est chez elle » ou encore « enlever la croix c’est effacer la Corse ». À cela s’ajoute une pétition signée par 42 000 personnes « pour maintenir la croix de Quasquara, symbole de notre patrimoine et de notre identité ».
Pour beaucoup de Corses, le christianisme est une part intégrante de l’identité de l’île. Aussi, le parti Femu a Corsic, mené par le président autonomiste du conseil exécutif Gilles Simeoni, a fustigé une « interprétation laïciste, rigide et conflictuelle du fait religieux ». Et Gilles Simeoni d’ajouter son désir d’une « laïcité à la corse ».
Jeudi et vendredi 16 et 17 octobre, des lycéens de Sartène, Corte et Bastia ont aussi manifesté sous des banderoles « Terra corsa, terra cristiani » (Terre corse, terre chrétienne), en soutien aux centaines de personnes mobilisées dans le village.
Un étendard politique pour l’extrême droite
L’extrême droite a quant à elle fait de la croix un étendard politique. Selon le politologue Thierry Dominici, cette affaire fait la promotion d’un « nationalisme identitaire ». Pour lui, « les identitaires activent cette idée que le Corse non seulement est corsophone, né sur l’île, de parents corses, mais surtout ils adhèrent à une forme de pensée civilisationnelle qui ne peut être qu’européenne, occidentale, blanche et chrétienne ».
De fait, samedi 18 octobre, Palatinu, jeune mouvement nationaliste identitaire d’extrême droite, le Rassemblement national et l’Union des droites pour la République (UDR) d’Éric Ciotti, ont choisi Quasquara pour annoncer leur alliance, notamment en vue des municipales de 2026.
En outre, une vidéo visionnée près de 900 000 vues sur X affirme que la plaignante à l’origine de la décision judiciaire serait de confession musulmane et installée depuis peu dans le village. Certains internautes ajoutent également qu’elle serait la compagne d’un chercheur du CNRS converti à l’islam. De fausses informations puisqu’il s’agit en réalité d’une octogénaire qui habite le village depuis 20 ans et dit avoir agi au nom de la laïcité.
Une instrumentalisation politique que l’évêque d’Ajaccio, le cardinal Bustillo, dénonce. « La croix, on la sert, on ne s’en sert pas », a-t-il fustigé dans un entretien accordé à Corse Matin.
https://www.humanite.fr/societe/christianisme/en-corse-lextreme-droite-sempare-dune-croix-pour-vomir-son-racisme-et-imposer-sa-vision-de-la-laicite
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