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Date : 22-11-2025 18:44:30
Au fait, où nos fortunes « françaises », ces donneuses de leçons fiscales, payent-elles leurs impôts ? Notre enquête
Chaque été, le Landerneau politico-médiatique se rue sur le classement des grandes fortunes réalisé par le magazine Challenges. L’Humanité le complète, pour les 60 premiers, avec leur situation fiscale. Mais où nos milliardaires pourfendeurs de tout impôt supplémentaire sur leur fortune payent-ils donc leurs impôts ?
Publié le 20 novembre 2025
Arthur Dumas
C’est un marronnier des médias depuis près de trente ans. Chaque été, le magazine Challenges dévoile son tant attendu classement des 500 plus grandes fortunes de France. De Bernard Arnault à Rodolphe Saadé, en passant par Xavier Niel et Gérard Mulliez, les commentateurs de l’actualité économique scrutent avec passion le rang, le secteur d’activité, l’évolution de la fortune et de la place dans le classement des ultra-riches tricolores.
Mais alors qu’en cette année 2025 la question de la fiscalité des hauts patrimoines est plus que jamais d’actualité, une information, pourtant cruciale, manque à l’appel : celle du domicile fiscal de ces grandes fortunes. Car, face au projet de taxe Zucman – soutenu par la gauche mais rejetée du budget 2026 par la droite et l’extrême droite –, les milliardaires nous ont bien fait comprendre qu’ils étaient farouchement opposés à toute imposition, même minime, de leurs juteuses fortunes.
L’Humanité a donc voulu vérifier si les pourfendeurs du meilleur jeune économiste de France étaient bel et bien des résidents fiscaux français. Sur les 60 premières personnalités du classement, toutes milliardaires, 18 ont établi leur résidence fiscale à l’étranger et deux autres ont ou ont eu un litige avec le fisc français à propos de leur domicile fiscal.
Deux pour cent d’imposition annuelle sur les patrimoines à partir de 100 millions d’euros, voici ce qui effraye nos grandes fortunes qui, en plus de vociférer pour affirmer que cela tuerait notre outil de production, font planer la menace d’un exil. Sauf que, dans les faits, une bonne partie du haut du panier de ces ultra-riches a déjà mis à l’abri son patrimoine. Si l’on prend les 25 premières fortunes du classement de Challenges, dix d’entre elles sont établies à l’étranger et deux autres sont en conflit avec Bercy.
Dans le domaine du luxe, les frères Wertheimer – propriétaires de Chanel, et dont la fortune de 95 milliards d’euros les place en troisième position du classement 2025 – ont installé leur résidence fiscale à l’étranger depuis au moins le début des années 2010. Tandis que Gérard Wertheimer s’est contenté de franchir les Alpes pour s’installer à Genève, en Suisse, son frère Alain a, lui, décidé de traverser l’Atlantique pour s’établir aux États-Unis, à New York.
Une pratique qui semble à la mode dans le monde de la haute couture, puisque Nicolas Puech, riche héritier d’Hermès qui détient à lui seul 5,7 % du capital de l’entreprise, est installé dans la petite station de sport d’hiver de La Fouly, en Suisse. L’homme, dont la fortune est estimée à 14 milliards d’euros, y réside depuis 1999.
Autre domaine mais même idée, dans l’agroalimentaire le géant Mulliez a, lui, décidé d’aller beaucoup moins loin. Récemment épinglé par une enquête de « Cash Investigation », Gérard Mulliez – dont la fortune est estimée cette année à 25,9 milliards d’euros – réside dans la petite ville belge de Néchin, située très précisément à 732 mètres de la frontière avec la France. Même si le propriétaire d’Auchan nie tout exil fiscal, une bonne partie de sa famille est elle aussi installée à Néchin, à tel point que la rue de la Reine-Astrid y est communément appelée « boulevard des Mulliez ».
À la tête de Perenco, deuxième plus grand groupe pétrolier français, François Perrodo a installé sa fortune personnelle (9,1 milliards d’euros) au Royaume-Uni, à Londres. Toujours dans la capitale britannique, on retrouve Henri Beaufour, membre du conseil d’administration du laboratoire Ipsen et dont la fortune (partagée avec sa sœur Anne, domiciliée en Suisse à Clarins) est estimée à 4,5 milliards d’euros.
La Suisse : eldorado des riches français ?
Paradis fiscal historique où le secret bancaire est roi, le territoire helvète héberge une bonne partie des grandes fortunes françaises exilées. À Genève, par exemple, on peut
https://www.humanite.fr/social-et-economie/fiscalite/apres-challenges-et-son-classement-des-500-plus-grandes-fortunes-de-france-decouvrez-le-classement-des-exiles-fiscaux
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